Extraits du livre Le Grillon Pèlerin
Publié par la revue Coup de Soleil n 118/119 octobre 2023
1 Le Grillon pèlerin
Au centre du jardin
grillon
à l’abri d’une lanterne
Quelques pierres
agencées
la sagesse d’une main
Un puit couvert de bambous
un mystère
où bruisse une eau souterraine
Rien n’importe
puisque tout passe
la plume de geai sur le gravier
Tu es là
et le rocher te dévisage
de toutes ses mousses
Rire de tout
même de soi
insouciance du jour
Tu as creusé le gravier
de sillons soyeux
gris et sinueux
Trois jarres de terre cuite
en rang face au mur
allégorie de la vie
Attendre l’inattendu
et passer outre
son chemin
Etait-ce le moine
était-ce le jardinier
et si c’était-ce le même homme ?
Naïve esquisse, visage
tu es resté
statue face au jour
Dérouler la toile
lancer les kakemonos
et les cerfs-volants
Il rompt le silence
jusqu’au fond du jour
le gong sonore.
Qui aurait cru grillon
que tu reviendrais
après la pluie d’août ?
Ryokan Yamazaki Kyoto
3 Calligraphie d’automne
Dans le café Yamanaki
réfugiés
pendant l’orage
Un rat file entre
les hautes herbes,
au fond du parc
l’étang
Sous le pont bruissant
à perte de vue les érables
la carpe lorgne
un morceau de pain
le rocher semble chercher l’ombre
sous la futaie fournie et les bambous
soleil de midi.
Lanternes de pierre,
ponts
et pins taillés en nuages
L’orage
d’un coup de brosse
a balayé la colline
calligraphie d’automne.
Avec mes remerciements pour la revue Coup de Soleil et Michel Dunand
Publié par la revue Voix d’Encre n° 65 2021
6 Au temple Yochi In de Koyan San
Les chants des cigales se sont tus
mouvements de pas
dans les longs couloirs
trainements de pieds,
on débarrasse le repas.
Les cloisons sont glissées
d’un mouvement fluide
le temple ferme son trésor
les moines se sont retirés.
Nul n’entre ici,
s’il n’est autorisé
statues anciennes
reliques, peintures et livres sacrés.
Dans une vie dédiée à l’action
savoir attendre
ce qui ne s’attend pas.
Nuit dans le temple, quiétude
le camion poubelle passe
la vie continue.
9 Sanctuaire
Ces bâtiments toujours renouvelés
murmurent l’âme d’un pays
neuve, faite de matière naturelle, brute
attachée à la mémoire des gestes.
Ces grands toits de chaume
aux poutres qui se croisent
lieu sacré
vide, protégé
tissé de rituel et de divin
en lien avec la nature
Sanctuaire d’Isé
lieu réservé, préservé
calme de l’étang
aux eaux brunies
où les reflets de cyprès
et d’érables forment
une onde naturelle
parmi des joncs en rang
au vert de biais
et un cercle de lotus en fleurs
Isé Aout 2018
Publié par la revue Voix d’Encre n° 65 2021
Marcheur des villes
Marcheur des villes et son fil,
avec des feuilles funambules
qui s’enroulent sur les toits.
Notes de lumière, juste pigmentées,
au contour des ordres.
Comment se maintenir,
dans ce jour encore jeune sur l’opacité ?
Aux sables attaché,
arpenter le grésil,
et ces hauteurs arides
où se tient l’unique route ;
la tête posée contre ces coussins de terre
et ces étoffes lointaines.
Le signal des vents
A peine là ce roulement,
où bougent les ondes rieuses.
Entendre ces chants
partis aux premières heures,
reconnaître le jour.
Des souffles nouveaux,
comme de cet air sans usure,
graver le signal des vents.
Collerettes de feuilles, tressées soudain
par la connivence d’un arbre,
néons colorés, s’interpellant sur la ville,
passages de nuit
entre les marbres et les bitumes.
Publié Le journal des Poètes 1993
Un peu de la ville
Garde-nous un peu de la ville,
un peu de sel grillé
sur l’orange d’un soir,
et ces gravillons de rue
au coin de l’œil.
Laisse le ginko ou la feuille de septembre,
cueillir l’aubier des rêves
et le clapotis d’un pigeon mécanique.
Publié Le journal des Poètes 1993