Mozart et Copernic à Salzbourg

Première étape de trois jours à Salzbourg (sous une pluie rafraîchissante) musées et concert de Mozart dans la citadelle.

Je retrouve cette ville découverte à 17 ans, le bac en poche, après la traversée de la Bavière en train : lacs et châteaux de Louis II, hôte de Voltaire.  Dans mes souvenirs on pouvait écouter le soir à Salzbourg des concerts gratuits dans la ville. Peut-être à l’occasion du festival de musique. Je logeais en auberge de jeunesse. Je ne visitais pas les musées. J’ai passé alors mon temps à parcourir la ville et à rencontrer les étudiants dans les universités.

La ville n’a pas trop changé, la modernité ne l’a pas trop transformée ou défigurée. Elle conserve son allure de petite ville de province avec sa multitude de clochers.

Ce qui a changé, c’est le flot continu des touristes. La ville est envahie de monde, les commerces omniprésents. Des stands de nourriture vendent des tonnes de bretzels agrémentés de fromage, de crème ou nature. Alors on aurait presque envie de ne pas trop parler de Salzbourg pour la préserver de ce flux ininterrompu de visiteurs bedonnants qui consomment la ville la dévorent de selfies et de bretzels. Mais le mal est déjà fait. On voit le bal des avions qui vont et viennent depuis l’aéroport et on ne peut tout de même pas passer un si bel endroit sous silence. 

J’ai aimé découvrir le musée d’art moderne inauguré en 2004 et les deux maisons de Mozart : celle où il est né et celle où il a vécu jusqu’à son départ pour Vienne, le musée du Dom ( la cathédrale) et déambuler dans les rues ou le long de la rivière Salzbach. 

Mozart tient une place à part dans cette ville qu’il n’aimait pas : voilà ce qu’il écrivait à son père : 

« Je vous jure sur mon honneur que je ne peux souffrir ni Salzbourg ni ses habitants – leur langage, leurs manières de vivre me sont insupportables. »

Salzbourg a su tirer profit du génie et de la reconnaissance posthume  en vendant tout jusqu’à des chocolats à son effigie. 

Dans le petit musée installé dans  sa maison natale, on apprend beaucoup sur ce génie et sa famille. À visiter, malgré le monde. La collection des maquettes anciennes de décors d’opéra est très belle.

L’enfant précoce et prodige jouait à 7 ans dans toutes les cours d’Europe et composait des œuvres originales et modernes dès son plus jeune âge. Qualifié par sa sœur, brillante musicienne, d’éternel enfant. Sous la houlette d’un père excellent pédagogue mais certainement trop oppressant, jusqu’à la rupture, et d’un employeur, le prince archevêque Colloredo qui n’a pas su reconnaître son talent à sa juste valeur et n’a eu de cesse de le traiter en quasi domestique. Mozart quitta Salzbourg pour Vienne…

Nous retrouverons quelques jours plus tard Mozart à Vienne. La maison qui lui est consacrée n’a pas grand intérêt. 

Je lui préfère sa musique et une discrète plaque commémorative avec son masque mortuaire. Elle se trouve à l’entrée de l’église Saint Michel de Vienne, église des Habsbourg. Quelques jours après sa mort prématurée à 35 ans son Requiem inachevé y a été joué pour la première fois, en son hommage, le 10 décembre 1791.

Son souvenir toujours présent ici et à Vienne où nous écouterons deux concerts.

Salzbourg c’est aussi les marches le soir le long de la rivière pour rejoindre le studio où nous logeons en périphérie de la ville, donnant sur une immense prairie, la nature et la campagne autrichienne toujours proches, la promenade entre la citadelle et le Mönchsberg avec des vues plongeantes sur la ville. Nous ne croisons presque personne sur le Mönchsberg, la marche à pied a peu d’adeptes. On lui préfère ascenseurs et funiculaire ☺️. 

Nous circulons aussi en trolleybus. Les chauffeurs ont un point commun : être souvent antipathiques avec les voyageurs, étrangers de surcroît. Gare à celui qui rêve et ne monte pas prestement dans le bus…

Dans le parc du château Mirabell, comme mis de côté à l’écart sous de grands arbres et loin de la foule, nous tombons sur la sculpture d’un homme qui porte dans chaque main un globe.  C’est Copernic qui réfléchit à ce qui devient pour lui une évidence : la rotation de la terre autour du soleil. En lisant la plaque nous découvrons que cette sculpture est l’œuvre d’un artiste officiel du régime nazi. Copernic qui était polonais d’origine allemande a été utilisé par la propagande nazie pour justifier la reconquête des terres vers l’Est et l’élargissement du Reich.

Copernic, victime postmortem de la propagande nazie. C’est une oeuvre du sculpteur Joseph Thorak qu’il a offerte à sa ville natale après la guerre. Par ambition personnelle il a adhéré au parti nazi et divorcé de sa femme juive en 1943 puis est devenu le second sculpteur du régime… sombre époque.

Certes il s’agit d’une œuvre d’un artiste. Mais on peut s’interroger sur la nécessité d’exposer des œuvres d’art nazi. Je m’étonne qu’une œuvre de propagande nazie soit toujours présente ici dans ce parc. cela soulève au moins des interrogations. Pourquoi n’a t’elle pas été détruite ou isolée comme œuvre de propagande dans un musée dédié à cette fin avec un but pédagogique?

Une rue de la ville porte encore le nom de cet artiste nazi la Joseph Thorak Strasse. Nostalgie du passé? Volonté de mémoire pour les générations futures? Le sujet n’est pas aisé. Des habitants ont proposé qu’elle soit rebaptisée du nom d’une artiste victime du nazisme. Position sans doute ambiguë de la municipalité à ce sujet. 

Quelle relation et quelle attitude avoir vis à vis de ces œuvres? Une exposition récente aux Pays Bas s’est interrogée sur la question. Je partage ici le lien que j’ai trouvé. Et reviendrai sur ce sujet à Vienne

https://www.lejournaldesarts.fr/expositions/lart-au-service-de-la-propagande-nazie-170945

Le matin du départ nous allons jusqu’à la gare à pied pour prendre le train vers Vienne…