Festival Trace de Poète

Lecture du Scriptorium Le dimanche 29 septembre à L'Isle-sur-la-Sorgue dans le cadre du festival Trace de trace de poète avait lieu à l’initiative de Nicole Mignucci une lecture de poètes du Scriptorium, dans la cour du musée Campredon, où se tenait un marché des éditeurs. À cette occasion nous avons rendu un hommage à Daniel Birnbaum qui vient de nous quitter, et lu plusieurs de ses textes, puis entamé une lecture croisée de nos poèmes. Ce moment en poésie, animé par Olivier Bastide, avec Emmanuelle Sarrouy Noguès, Marc Ross, Patrick Aveline Poésie Photos : Elena Berti, Claudine Ross, Emmanuelle Sarrouy Noguès, Henri Perrier Gustin...

Continuer la lectureFestival Trace de Poète

Pour Daniel Birnbaum

Nous perdons un véritable poète. Ton livre « Zhang-Fu disait » est un délice d’intelligence, d’humour et de poésie. Ta poésie est porteuse de tant de sagesse, elle raconte les petites choses de la vie, avec bienveillance sur le genre humain, sur les gens simples, les gens de la Creuse, les gens qui t’entourent, les gens comme toi et moi. Tu es de ces êtres difficiles à apprivoiser. On s’est d’abord côtoyé lors de réunions du Scriptorium à Marseille. Après pas mal de temps tu es venu à une soirée de lecture à la maison, puis tu as accepté de participer à la résidence d’écriture en montagne à Aillon-le-Jeune. Tu nous as régalés de tes petites phrases pleines d’astuces et d’espièglerie. Toujours avec tes carnets pour tester et retoucher un poème. Tu nous parlais de ton projet de roman, sur ton histoire, sur l’histoire de ta famille. Tu semblais toujours un peu pressé, d'agir et de partir ; de partir où ? De ton parcours de scientifique et de médecin-chercheur à Paoli-Calmette, tu as gardé une méthode de travail est une grande discipline intellectuelle. Tu faisais ton œuvre de poète comme un artisan, dans le sens de ποιητής, consacrant les heures du matin aux taches de la vie courante, réservant ton temps libre de l’après-midi à cette quête d’écriture. Tu nous disais récemment : « lorsque j’ai écrit un haïku qui fonctionne bien, ma journée est réussie ». Tu avançais en écriture avec une joie enfantine et de conquête. Tu avais tout pour aller encore loin en poésie. Tu savais malgré ta modestie que tu avais une œuvre à poursuivre. Tu avais ce sentiment d’urgence, ce sentiment qui pousse à avancer parce nous sommes tous périssables et qui te rendait si pressé. On aurait aimé te connaître un peu plus encore. Mais la vie en a décidé autrement. Daniel tu es parti trop vite, trop tôt, trop loin. Je peine à le croire. Allez dis-le Daniel, ce n’est pas vrai. Zhang-Fu va revenir ! Une interview de Daniel par Christophe Jubien https://radiograndciel.fr/podcast/daniel-birnbaum/ Extraits de ses livres Zhang Fu disait aux Editions Henry sur la guerre pousseront les ruines sur les ruines pousseront les herbes et ce sont elles qu’on dira folles Extrait d'Un cercueil à deux places aux Editions Gros textes Le sac Elle fouille dans son sac comme dans sa vie elle n'y met plus les choses lourdes à porter le chien n'y est plus mais il y a le collier les enfants n'y sont plus mais il y a leur adresse le mari n'y est plus mais il y a sa photo... Extrait de l'espace elle se sent légère... Extrait de L'espace commence au bord de la fenêtre aux Editions Alcyone L'arbre Devenir l'arbre pour jouer avec la lune voir se poser les oiseaux dans ses cheveux de bois faire des nœuds pour ne rien attacher...

Continuer la lecturePour Daniel Birnbaum

Keiko à Cuenca

Cuenca, Juin 2024, épisode 1 Une montée raide, les marcheurs s’essoufflent. Fumées de gaz d’échappement d’un taxi. À l’entrée du Parador, un cocktail Un bassin calcaire avec eau blanche, des colonnes corinthiennes éclairées dans une cour carrée. Trois cyprès apportent un semblant d’ombre et la fraîcheur. Un laurier dans un pot de céramique se cache dans un coin. Les gens palabrent. Je fais la connaissance de Keiko. Le public discute dans une ambiance calme après la conférence sur l’œuvre de Kozo Okano et Keiko Mataki. Le personnel du traiteur s’active, un liteau de service blanc autour de l’avant-bras, ramasse les verres, rassemble les tables vides. On sent la lassitude de fin de soirée sur leurs visages. Le public discute encore, les cocktails sont terminés, les petits fours engloutis, le vin est rangé. Il a fait un peu tourner les têtes. L’ancien Parador, lieu de pouvoir, converti en hôtel et centre d’exposition. Contre son flanc, un bâtiment religieux transformé en musée : l’Espace Torner. On a sculpté dans l’épaisse chantilly de calcaire une façade d’église agrémentée de colonnades, de frises, de surépaisseurs de pierre en ornements chargés. Une porte de chêne monumentale mange la façade. Se tourner vers Cuenca. Constructions de falaises, des roches comme des pénitents, des façades musulmanes… Une ville suspendue, recroquevillée, comprimée. La nuit tombée, à peine distingue-t-on le pont et les murs biscornus, boursouflés d’ombre. Ils cachent des points lumineux et des cours abritées. Églises mausolées perchées sur une falaise au bord d’un torrent. La végétation se faufile dans les cavités et le cheminement des gorges. Elle ajoute un paysage d’algues nocturnes : les plantes masquent l’aridité de la roche et les quelques points lumineux des bâtisses qui se succèdent. Depuis le milieu de la passerelle de bois qui oscille au rythme des passants, on sent les courants d’air se faufiler dans le creux de la vallée. Ce paysage est né de temps mythologiques, de mouvements telluriques qui ont soulevé ces roches organiques pour les malaxer et les modeler avec au fond le torrent qui creuse. Comme sous l’effet d’un maelström, la ville a épousé la colline.

Continuer la lectureKeiko à Cuenca

Conversation d’ombre- Charla de Sombra Dessin Keiko Mataki, poème Henri Perrier Gustin – Traduction Shinya Tominaga

影の会話 詩:アンリ・ペリエ・ギュスタン 絵:またきけいこ 訳:とみながしんや 月のない夜に 浮かぶ船 波の音が聞こえる 『舟上で赤子が生まれた! へその尾にはまだ血が残り 夜の冷たさの中で眠っている 人びとが葦で編まれた寝台をのぞき込んでいる 若い母親が子供を腕に抱いている 月が昇ってきた 空には満天の星 母親は置きざりにされた姉妹たちを見やる 混雑した桟橋から老人がその影をじっと見つめる 生まれたばかりの子の周りで人々が動めいている カモメが飛び立つ 肌色の違いに意味はない 半影が彼らを結びつける 蛍の群れが雲を照らし 雨がぱらぱら降る 夏の嵐 黒い粉のような水面に 生命の始まりを待つ卵の列 満月の中 新たな旅に驚きながら 短髪の若者が言葉を失っている まだ生傷が痛むのだろうか?  塩水が燃えるように染みる 暗闇の中で風が水しぶきを払う  人びとのお腹は痩せ細っている 桟木にもたれかかった老婦人が膝まずいて 月明かりの中で祈る 船首には仮面で形作られた顔が立っている 亡霊のように目が聞いている そして夜に叫ぶ』 藻が揺れる 波のささやきが一瞬の影に溶け込み 夜明けの光の中 舟が漂っている

Continuer la lectureConversation d’ombre- Charla de Sombra Dessin Keiko Mataki, poème Henri Perrier Gustin – Traduction Shinya Tominaga

Conversation d’ombre-Charla de Sombra Collaboration avec la peintre Japonaise Keiko Mataki

Le 15 juin dans la fondation Antonio Perez, musée de la ville de San Clemente près de Madrid, avait lieu l’inauguration de la rétrospective de l’œuvre de la peintre japonaise Keiko Mataki. Une vitrine présente le poème « « Conversation d’ombre, Charla de Sombra » écrit pour illustrer une série de dix dessins dans un projet de livre d’artiste et traduit notamment en espagnol, japonais, anglais, allemand et peulh. Une lecture du poème en a été faite en français et espagnol. Merci aux traducteurs, Enzo Grimaldi, Timon Koulmasis, Shinya Tominaga, et Ndiaye Saidou Amadou. Merci à la galeriste Ginette Turpeau Parres de la galerie Dialogue à Marseille pour cette belle rencontre. Conversation d’ombre (Charla de Sombra) C’est une nuit sans lune. On entend converser les vagues, palabrer au passage d’une embarcation. « Un enfant vient de naître à bord ! Son nombril encore marqué de sang. Il dort dans le froid de la nuit. Les têtes se penchent au-dessus de la paillasse de jonc tressé. Une jeune mère tient un enfant dans ses bras. La lune s’est levée. Dans le ciel criblé d’étoiles, elle voit ses sœurs laissées là-bas. Sur le pont entassé, un vieil homme fixe une silhouette. Autour de l’enfant, les corps s’agitent et se déplacent. Les mouettes s’envolent. Qu’importe la différence de couleur des peaux ? L’ombre les unit. Un essaim de lucioles illumine les nuages, la pluie en pointillés, orage d’été. À la surface de l’eau poudrée de noir, un chapelet d’œufs attend le top départ vers la vie. Un jeune homme reste bouche bée, les cheveux taillés en brosse d’ombre, interpellé par la pleine lune et la sidération du voyage. Mettre un sparadrap sur les plaies encore vives ? La brûlure du sel. Un souffle de vent dans la pénombre chasse les embruns. Les ventres sont creux. Une vieille femme agenouillée, adossée au mat, prie dans le clair de lune. À la proue se tient un visage au relief de masque. Comme un spectre. Son œil écoute, et crie dans la nuit.» Des algues ondulent. Le chuchotement des vagues se dissout dans l’ombre. L’embarcation dérive dans les lueurs de l’aube.

Continuer la lectureConversation d’ombre-Charla de Sombra Collaboration avec la peintre Japonaise Keiko Mataki

poèmes en résonance

C’était jeudi 30 mai à 20 h dans le jardin de l’église Sainte Anne pour 1h30 de lecture de « poèmes en résonance. » Des voix différentes qui se succèdent se répondent et se complètent, pour faire partager dans le vent du soir, ces moments nécessaires de poésie. Accompagnés de Marco Mazoti à la contrebasse, Nous étions 11 membres du collectif le Scriptorium avec Dominique Sorrente, Isabelle Alentour, Emmanuelle Sarrouy, Daniel Birnbaum, Marie-Philippe Joncheray, Marc Ross, Olivier Bastide, Junie Lavy, Marc-Paul Poncet, Patrick Aveline à l’occasion des 25 ans du Scriptorium. Encore un grand merci à l’équipe d’organisation d’OH ! MA PAROLE, Stéphanie, Aude et François, Cédric et la mairie du 6&8 pour cette belle programmation, riche en surprises et rencontres durant ces 10 jours de mai et aux amis présents pour partager ce moment.

Continuer la lecturepoèmes en résonance

Anatomie d’un cri

Inspiré de Lysistrata d'Aristophane, un récit imaginaire qui se déroule en 2045, dans un continent déchiré par un conflit... Lysistrata : Il faut donc nous priver de tout ce qu'ils voudraient nous donner ... Pourquoi me regardez-vous de travers ? Où allez- vous ? …Or je puis vous assurer qu'ils feront bien vite la paix, si nous ne répondons pas à leur empressement et si nous savons nous contenir. Traduction André-Charles Brotier Editions Pocket Classiques. Extrait : Mai 2045.  Salle de conférence comble dans l’université de médecine. Une jeune chirurgienne s’exprime avec véhémence devant un public exclusivement masculin et dubitatif. Sur les murs pendent des planches d’anatomie ; entre les hautes fenêtres, les portraits de scientifiques illustres. Depuis dix-huit ans, toutes les femmes de l’État de Sauri ont l’obligation d’avoir au moins trois enfants, dans le but de renouveler les contingents des forces armées. Toute résistance est punie d’enfermement. Les femmes qui s’opposent sont déclassées, inséminées de force et des études scientifiques minutieuses sont conduites sur leur cerveau. Extrait : « Vous allez ouvrir le ventre de cette femme pour délivrer l’enfant pris au piège, l’enfant qu’elle porte sous contrainte. Il servira demain au front lors d’une prochaine mobilisation. Cessez ces outrages. » Dans une salle voisine, sur la table d’opération la jeune femme, Octavia, épuisée, le ventre en colline rebondie, attend le geste qui doit la libérer. Son visage n’est pas visible. Extrait : Sur le ventre avance un minuscule serpent hôte du jardin universitaire. Dans l’arbre, il a tendu la pomme. Sa tête farouche oscille. Il protège la jeune femme et sera le gardien de l’être à venir. Il veille sur l’enfant à naître. Avec une allure de paon, mystérieusement droit, sa queue forme un ruban grège. Son corps dessine un sceptre, un hiéroglyphe tendant une main vers l’enfant dans un geste souple. Sous les rais de lumière défilent en gammes les sons d’orgue blanc. Soudain le silence de feutre de la grande salle d’opération est rompu. Un cri. La mère. L’enfant. Extrait : Le serpent prend de nouveau sa défense et fixe les visages clos. Il s’interpose entre elle et les armes, les pics et la faux dont l’ombre squelettique appelle déjà la mort. Ses écailles hérissées et râpeuses sont une cuirasse protectrice. Au loin des animaux marins oscillent dans la pénombre de tentacules et de viscères. Des soldats en tenue de camouflage ont une expression figée d’effroi et leurs dents claquent devant les baïonnettes levées. Extrait On aperçoit la trace rouge de l’ancien chemin de communication entre les nerfs et les veines, où passait l’influx nerveux qui a été tranché. La guerre touche à son comble, les tanks-crabes, les araignées- harpons, les filets-os et tentacules-doigts se faufilent, pénètrent les chairs, l’acier, se dispersent dans les cœurs, en poudre, en éclats bleus, mordorés, en lumière fine de sang. Un cri blanc fait vaciller la pénombre. Les fumées d’hydrocarbures des dépôts incendiés couvrent la langueur du couchant. Extrait La guerre est lasse, elle s’efface. Lysistrata et Octavia ont eu…

Continuer la lectureAnatomie d’un cri

Lecture au Parvis des Arts (Marseille)

Lors de la scène ouverte le 15 novembre 2023 Lecture d'un extrait d'Au delà des mers en huit lettres Editions Drosera Cayenne le 02 avril 1927 Chère Marie Je viens de m’installer en Guyane avec ma femme Hannah, après notre mariage à Lyon l’été dernier. Hannah est si belle, je l’aime follement. Je l’ai rencontrée lors de mon précédent voyage au Maroc. Elle est musulmane, parle de nombreuses langues, est graphiste. Je te joins un texte en arabe classique qu’elle a calligraphié, je n’en connais pas le sens. Nous travaillons tous les deux à Cayenne, moi comme ingénieur des eaux et forêts et Hannah à la Poste. Ici la forêt est partout, elle couvre presque toute la Guyane, une forêt dense et primaire. Une des plus grandes forêts tropicales du monde avec une faune étonnante de perroquets, de mygales, de tortues et de jaguars. C’est un changement complet de décor. En ce moment la folie de l’or fait tourner la tête à plus d’un. Nombreux s’improvisent orpailleurs et les chercheurs illégaux pullulent, conduisant à une exploitation agressive des sous-sols. L’administration est dépassée et la forêt tropicale en souffrance. On se croirait un peu dans le Far West américain avec cette frénésie de l’or, et la violence s’installe. Je fais de mon mieux pour préserver la nature et me sens souvent bien seul face à des intérêts purement mercantiles. Nous avons pris quelques jours de repos pour visiter la province voisine du Brésil. Nous avons traversé la forêt amazonienne pour aller à Cabo Baso do Norte, une région extrême et difficilement accessible. Je te joins une carte pour que tu puisses te la représenter, ainsi qu’une vieille photographie que j’ai retrouvée dans un livre lors du déménagement. On nous voit tous les trois avec les parents. Il manque juste Philippine qui était en pension ce jour-là. Tu préparais le baccalauréat dans la salle qui jouxte le café-jeu-de-boule-à-la-lyonnaise, avenue de la République, près du champ de foire aux Abrets. Tu étais bien studieuse, et moi je ne pensais qu’à courir dans les prés, jouer ou rêvasser. Edouard se tient bien droit à côté de nous avec son tambour. Papa a interrompu un instant son travail au café et pose devant l’objectif, maman sourit. On lit la fierté dans leur regard et aussi l’incertitude devant l’avenir. Ils n’ont pas fait d’études, et se demandent sans doute où cela va nous mener. Au bout du monde… L’ironie du sort a voulu que nous nous installions tous les deux dans des contrées lointaines entre tropiques et équateur. Parle-moi de ta vie au Togo et de tes projets. Comment vont les enfants ? Ils doivent encore avoir bien grandi, et Victor, navigue-t-il toujours autant ? Nous rentrerons en France l’été prochain. Nous passerons aux Abrets voir les parents. J’espère te revoir. Cela leur fera plaisir que nous soyons réunis. Nous pourrons nous raconter tout cela, assis sur les chaises longues sous le bananier près du jeu de boule. Tu te souviens des lourdes boules de bois cloutées que…

Continuer la lectureLecture au Parvis des Arts (Marseille)

Marseille m’a donné

Marseille m'a donné la présence de la mer, les espaces bruts des collines, l’animation permanente de la ville, son franc-parler. J'aime sa lumière crue. Je ne me sens plus d’ici, ou d’ailleurs, je suis Marseillais. Festival les Voix Vives à Sète, lecture lors de la Scène libre au foyer des marins. Merci à Marc Ross pour les photos et Junie Lavie pour la video, et merci aux Voix Vives et Jean-Pierre Paulhac https://youtube.com/shorts/yQ0raCzaVYw

Continuer la lectureMarseille m’a donné