Le 15 juin dans la fondation Antonio Perez, musée de la ville de San Clemente près de Madrid, avait lieu l’inauguration de la rétrospective de l’œuvre de la peintre japonaise Keiko Mataki.
Une vitrine présente le poème « « Conversation d’ombre, Charla de Sombra » écrit pour illustrer une série de dix dessins dans un projet de livre d’artiste et traduit notamment en espagnol, japonais, anglais, allemand et peulh.
Une lecture du poème en a été faite en français et espagnol. Merci aux traducteurs, Enzo Grimaldi, Timon Koulmasis, Shinya Tominaga, et Ndiaye Saidou Amadou.
Merci à la galeriste Ginette Turpeau Parres de la galerie Dialogue à Marseille pour cette belle rencontre.
Conversation d’ombre (Charla de Sombra)
C’est une nuit sans lune. On entend converser les vagues, palabrer au passage d’une embarcation.
« Un enfant vient de naître à bord ! Son nombril encore marqué de sang. Il dort dans le froid de la nuit. Les têtes se penchent au-dessus de la paillasse de jonc tressé.
Une jeune mère tient un enfant dans ses bras. La lune s’est levée. Dans le ciel criblé d’étoiles, elle voit ses sœurs laissées là-bas.
Sur le pont entassé, un vieil homme fixe une silhouette. Autour de l’enfant, les corps s’agitent et se déplacent. Les mouettes s’envolent.
Qu’importe la différence de couleur des peaux ? L’ombre les unit.
Un essaim de lucioles illumine les nuages, la pluie en pointillés, orage d’été.
À la surface de l’eau poudrée de noir, un chapelet d’œufs attend le top départ vers la vie.
Un jeune homme reste bouche bée, les cheveux taillés en brosse d’ombre, interpellé par la pleine lune et la sidération du voyage.
Mettre un sparadrap sur les plaies encore vives ? La brûlure du sel. Un souffle de vent dans la pénombre chasse les embruns. Les ventres sont creux.
Une vieille femme agenouillée, adossée au mat, prie dans le clair de lune.
À la proue se tient un visage au relief de masque. Comme un spectre. Son œil écoute, et crie dans la nuit.»
Des algues ondulent. Le chuchotement des vagues se dissout dans l’ombre. L’embarcation dérive dans les lueurs de l’aube.
C’était jeudi 30 mai à 20 h dans le jardin de l’église Sainte Anne pour 1h30 de lecture de « poèmes en résonance. » Des voix différentes qui se succèdent se répondent et se complètent, pour faire partager dans le vent du soir, ces moments nécessaires de poésie.
Accompagnés de Marco Mazoti à la contrebasse, Nous étions 11 membres du collectif le Scriptorium avec Dominique Sorrente, Isabelle Alentour, Emmanuelle Sarrouy, Daniel Birnbaum, Marie-Philippe Joncheray, Marc Ross, Olivier Bastide, Junie Lavy, Marc-Paul Poncet, Patrick Aveline à l’occasion des 25 ans du Scriptorium.
Encore un grand merci à l’équipe d’organisation d’OH ! MA PAROLE, Stéphanie, Aude et François, Cédric et la mairie du 6&8 pour cette belle programmation, riche en surprises et rencontres durant ces 10 jours de mai et aux amis présents pour partager ce moment.
Inspiré de Lysistrata d’Aristophane, un récit imaginaire qui se déroule en 2045, dans un continent déchiré par un conflit…
Lysistrata : Il faut donc nous priver de tout ce qu’ils voudraient nous donner … Pourquoi me regardez-vous de travers ? Où allez- vous ? …Or je puis vous assurer qu’ils feront bien vite la paix, si nous ne répondons pas à leur empressement et si nous savons nous contenir. Traduction André-Charles Brotier Editions Pocket Classiques.
Extrait : Mai 2045. Salle de conférence comble dans l’université de médecine. Une jeune chirurgienne s’exprime avec véhémence devant un public exclusivement masculin et dubitatif. Sur les murs pendent des planches d’anatomie ; entre les hautes fenêtres, les portraits de scientifiques illustres. Depuis dix-huit ans, toutes les femmes de l’État de Sauri ont l’obligation d’avoir au moins trois enfants, dans le but de renouveler les contingents des forces armées. Toute résistance est punie d’enfermement. Les femmes qui s’opposent sont déclassées, inséminées de force et des études scientifiques minutieuses sont conduites sur leur cerveau.
Extrait : « Vous allez ouvrir le ventre de cette femme pour délivrer l’enfant pris au piège, l’enfant qu’elle porte sous contrainte. Il servira demain au front lors d’une prochaine mobilisation. Cessez ces outrages. » Dans une salle voisine, sur la table d’opération la jeune femme, Octavia, épuisée, le ventre en colline rebondie, attend le geste qui doit la libérer. Son visage n’est pas visible.
Extrait : Sur le ventre avance un minuscule serpent hôte du jardin universitaire. Dans l’arbre, il a tendu la pomme. Sa tête farouche oscille. Il protège la jeune femme et sera le gardien de l’être à venir. Il veille sur l’enfant à naître. Avec une allure de paon, mystérieusement droit, sa queue forme un ruban grège. Son corps dessine un sceptre, un hiéroglyphe tendant une main vers l’enfant dans un geste souple. Sous les rais de lumière défilent en gammes les sons d’orgue blanc. Soudain le silence de feutre de la grande salle d’opération est rompu. Un cri. La mère. L’enfant.
Extrait : Le serpent prend de nouveau sa défense et fixe les visages clos. Il s’interpose entre elle et les armes, les pics et la faux dont l’ombre squelettique appelle déjà la mort. Ses écailles hérissées et râpeuses sont une cuirasse protectrice. Au loin des animaux marins oscillent dans la pénombre de tentacules et de viscères. Des soldats en tenue de camouflage ont une expression figée d’effroi et leurs dents claquent devant les baïonnettes levées.
Extrait On aperçoit la trace rouge de l’ancien chemin de communication entre les nerfs et les veines, où passait l’influx nerveux qui a été tranché. La guerre touche à son comble, les tanks-crabes, les araignées- harpons, les filets-os et tentacules-doigts se faufilent, pénètrent les chairs, l’acier, se dispersent dans les cœurs, en poudre, en éclats bleus, mordorés, en lumière fine de sang. Un cri blanc fait vaciller la pénombre. Les fumées d’hydrocarbures des dépôts incendiés couvrent la langueur du couchant.
Extrait La guerre est lasse, elle s’efface. Lysistrata et Octavia ont eu gain de cause. Le métal a cessé de rugir, il est tombé en poudre fine sur le sol empoisonné par les bombes. Les armes sont rangées, la paix rétablie est inscrite dans les Constitutions.
Partout la fête, on s’enivre de liberté. Les fûts de bière sont percés, les vins d’Arménie, de Bohème et de Moldavie coulent. Les hommes pansent leurs plaies. D’autres se désolent et pleurent la dispersion de leur famille, les enfants perdus.
Lecture d’un extrait d’Au delà des mers en huit lettres Editions Drosera
Cayenne le 02 avril 1927
Chère Marie
Je viens de m’installer en Guyane avec ma femme Hannah, après notre mariage à Lyon l’été dernier.
Hannah est si belle, je l’aime follement. Je l’ai rencontrée lors de mon précédent voyage au Maroc. Elle est musulmane, parle de nombreuses langues, est graphiste. Je te joins un texte en arabe classique qu’elle a calligraphié, je n’en connais pas le sens.
Nous travaillons tous les deux à Cayenne, moi comme ingénieur des eaux et forêts et Hannah à la Poste.
Ici la forêt est partout, elle couvre presque toute la Guyane, une forêt dense et primaire. Une des plus grandes forêts tropicales du monde avec une faune étonnante de perroquets, de mygales, de tortues et de jaguars. C’est un changement complet de décor.
En ce moment la folie de l’or fait tourner la tête à plus d’un. Nombreux s’improvisent orpailleurs et les chercheurs illégaux pullulent, conduisant à une exploitation agressive des sous-sols. L’administration est dépassée et la forêt tropicale en souffrance. On se croirait un peu dans le Far West américain avec cette frénésie de l’or, et la violence s’installe. Je fais de mon mieux pour préserver la nature et me sens souvent bien seul face à des intérêts purement mercantiles.
Nous avons pris quelques jours de repos pour visiter la province voisine du Brésil. Nous avons traversé la forêt amazonienne pour aller à Cabo Baso do Norte, une région extrême et difficilement accessible.
Je te joins une carte pour que tu puisses te la représenter, ainsi qu’une vieille photographie que j’ai retrouvée dans un livre lors du déménagement. On nous voit tous les trois avec les parents. Il manque juste Philippine qui était en pension ce jour-là. Tu préparais le baccalauréat dans la salle qui jouxte le café-jeu-de-boule-à-la-lyonnaise, avenue de la République, près du champ de foire aux Abrets. Tu étais bien studieuse, et moi je ne pensais qu’à courir dans les prés, jouer ou rêvasser. Edouard se tient bien droit à côté de nous avec son tambour. Papa a interrompu un instant son travail au café et pose devant l’objectif, maman sourit. On lit la fierté dans leur regard et aussi l’incertitude devant l’avenir. Ils n’ont pas fait d’études, et se demandent sans doute où cela va nous mener.
Au bout du monde… L’ironie du sort a voulu que nous nous installions tous les deux dans des contrées lointaines entre tropiques et équateur.
Parle-moi de ta vie au Togo et de tes projets. Comment vont les enfants ? Ils doivent encore avoir bien grandi, et Victor, navigue-t-il toujours autant ?
Nous rentrerons en France l’été prochain. Nous passerons aux Abrets voir les parents. J’espère te revoir. Cela leur fera plaisir que nous soyons réunis. Nous pourrons nous raconter tout cela, assis sur les chaises longues sous le bananier près du jeu de boule. Tu te souviens des lourdes boules de bois cloutées que nous peinions à tenir dans nos mains d’enfants ?
lecture le 27 mai 2023 accompagné d’Hélène Javelaud au Théatre Toursky à l’occasion de la Faîte de la fraternité Extraits lus :
crédit Photo Marc Ross
Les pins Assis sous les pins, bercés par le chant des cigales. Elles sont heureuses, sans doute, dans la torpeur naissante du jour. Les pins nous toisent, avec cette lente masse de chevelure, effilée par le vent, et ces gestes tantôt élancés, tantôt une main qui se tend. Comme un tamis d’aiguilles organisé pour la mi-ombre, pour filtrer, sans arrêter la lumière. Assis sur un mélange de terre, de pierres calcaires concassées, d’aiguilles brunies par le temps, de branches et pommes de pin séchées, ne penser qu’à vivre cet instant et lui donner toute l’attention possible.
Col de la Gineste
Des sangliers, à la recherche de racines ont laissé des iris nains, sauvages formant couronne. Sur la fleur, une goutte de pluie de la nuit. * Portes du temps
Nos enfants ont grandi, ils ont poussé les portes du temps, sur le chemin tracé des collines. Nos enfants ont grandi, la vie les appelle vers demain, vers les rires oubliés de l’enfance. Nos enfants ont grandi, nous leur avons tenu la main, ils ont pris la route vers leur avenir. Nos enfants ont grandi, nous accompagnerons un matin, émus, sur le quai de gare, le regard bleu, le sourire calme, notre benjamin, le sac sur l’épaule, partir vers sa vie. * Voir la fleur de l’olivier
Dans l’agitation de la ville, prendre encore le temps de poser un instant le regard sur l’insolite et discrète, fleur de l’olivier.
Lecture du 26 novembre 2022, à la Maison Montolieu qui accueillait Dominique Sorrente et les poètes du Scriptorium pour un échange autour du thème « Ce que peut la paix veut dire : parole poétique et engagement. » Une rencontre, entre témoignages et lectures.
« Je me méfie toujours des engagements politiques du poète : Je n’aime pas trop mêler poésie et politique et trop réagir à l’actualité. Pourtant comme beaucoup j’ai été profondément choqué par l’invasion de l’Ukraine. Cela a donné trois poèmes écrits le 28 février 2022, quatre jours après l’invasion de l’Ukraine que je voudrais partager avec vous.
7 des poèmes du recueil Marseille « Ici c’est la Lumière » publiés dans le dernier numéro de la revue Arpa. Un grand merci à la revue Arpa pour cette publication. Extrait ci joint :